Campus urbain
« […] ce qui semble lier profondément une ville et son université c’est une valorisation de la première par la réputation d’excellence que peut acquérir la seconde et les échanges culturels réciproques qui font du milieu urbain artificiel le lieu nécessaire (quoique non suffisant), d’une progression du savoir intellectuel. » (Lipsky, 1992)
L’histoire de la relation Ville-Université
La vie intellectuelle était autrefois, principalement, située dans les monastères. Puis dans l’ère du Moyen Âge, elle se déplace tranquillement vers les nouveaux centres d’activités. Les étudiants peuvent y habiter, des ressources d’ordre intellectuelles se constituent, rassemblées par des ordres religieux, des princes ou des monarques. Les institutions et les administrations des royaumes et états veulent de plus en plus des savants intellectuels formés dans les universités. L’Université se transforme en un secteur d’activité économique rentable de la Ville médiévale.
L’Université dans la ville italienne est considérée comme une institution valorisée pour l’image de la ville et reliée à son économie. Les étudiants se créent des corporations au même titre que les artisans et participent à la vie de la cité.
À ce moment, en France, et plus particulièrement à Paris, où l’université proprement dite est présente et prisée, le savoir prend de la valeur et progresse grâce à l’image positive qui est envoyée à la société par la royauté. Il est d’ailleurs protégé et favorisé. Paris devient un phare universitaire par sa position géographique centrale associée à l’installation permanente du pouvoir royal. La ville attire enseignants et étudiants par sa polarité commerciale et d’échanges. Le lien entre l’université et la ville est lié par l’économie, mais surtout par l’image positive qui y est dégagée.
Du côté des Britanniques, la naissance et le développement des universités sont expliqués aussi par la position géographique et les données économiques. Ce qui se démarque et amène une nouveauté importante, c’est le lien humain. L’apparition des clubs joue un rôle important d’échange culturel entre la communauté et les étudiants et enseignants. Un lien plus social s’établit entre la ville et le monde universitaire.
Le modèle européen montre bien que la relation entre ville et université fait partie des prémisses de la naissance des universités et que chacun soutenait l’autre réciproquement. D’ailleurs, le nom des établissements provient pour la plupart du nom de la ville hôte. La ville offre un pôle d’échanges, de services et d’équipements pertinent pour l’Université. Alors que l’université réunit un nombre important de gens dont les besoins produisent un apport économique important pour la ville et ses habitants.
Les universités américaines bien qu’elle porte un discourt beaucoup plus enclin à la mise à l’écart, la nature comme quiétude et source de bienfait n’écarte pas non plus totalement son ancrage à la ville. Initialement, elles ont cherché à s’implanter en harmonie avec la nature près des premiers établissements humains.
Quel est la relation Ville-Université aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les universités font face à des critères de compétitivité. En effet, la visibilité internationale est un enjeu important, tout comme son rapport aux autres selon différents critères de différenciation. Les écoles sont impliquées dans des classements et l’image est importante.
L’attractivité de l’université ne peut se détacher de l’attractivité de la ville qui lui est rattachée. Pour les étudiants, le choix de l’université est influencé par son contexte. Les jeunes sont attirés par le mode de vie urbain, les opportunités de rencontres que procure la ville et enfin la richesse en emplois des bassins métropolitains (Guy, 2006). Pour atteindre ces critères, les universités doivent renforcer leur lien avec la ville et collaborer. Un sentiment d’appartenance nait entre les deux. La connaissance n’est plus une activité de l’élite nécessitant l’isolement. Il doit être distribué aussi largement que possible à travers la population.
Les avantages d’un campus urbain pour la ville
Mixité sociale
L’université attire une population cosmopolite qui vient de partout dans le monde. Elle apporte donc un mélange des cultures, et modifie le tissu social des quartiers limitrophes ainsi que leur teneur urbaine. Une diversité d’activité, et de services s’y rattache. La mixité évite les enclaves monofonctionnelles, favorise les échanges sociaux et anime la ville.
Répercussion économique
Pour la ville, le domaine universitaire représente une emprise foncière non négligeable dans le tissu urbain (Guillemot, 1993). D’ailleurs, l’université est un employeur important de la ville. Ses établissements requièrent bon nombre d’employés pour son bon fonctionnement. Elle crée des emplois indirects par son pouvoir attracteur pour des commerces ou des entreprises de services. Elle permet ainsi une offre de services variée et abondante pour la communauté. De plus, les établissements d’éducation supérieure jouent un rôle important dans le développement et la qualité de vie d’une ville, elle favorise la créativité et l’innovation. (Liu, Huang, & Wosinski, 2017) L’université est en fait une source de revenus.
Animation de la vie urbaine
La communauté universitaire amène une chrono-urbanité différente. C’est-à-dire que la ville est active dans une dimension temporelle. Elle est combinaison de lieux, de mouvements et de temps (Asher, 1997). Les étudiants amènent une diversité d’animation selon les heures de la journée. Ils la rendent active à toute heure du jour. Il est d’ailleurs démontré que, lorsque la communauté étudiante est importante dans la population d’une ville, elle y ajoute son rythme. On remarque que « ce marquage du temps urbain par le temps étudiant est particulièrement sensible dans les villes dont l’activité est fortement structurée par l’enseignement supérieur (Guy, 2006) ».
D’autres parts, l’université à un fort impact sur le domaine sportif et de loisirs de la ville. Elle concentre, en effet, une importante portion des infrastructures sportives de la ville. Elle cultive le sentiment d’appartenance par le sport et offre des opportunités intéressantes. On y intègre étudiants comme citoyens et les échanges sociaux sont présents.
Pouvoir d’attraction
L’université renforce l’image de marque de la ville et vice-versa. Elle joue un rôle par sa dimension intellectuelle et/ou sportive. La ville profite d’un rayonnement national et international. Le contraire est aussi vrai, le succès d’une université dépend beaucoup de la qualité de l’environnement urbain dans lequel le campus est situé. (Gertler, 2012)
« Les universités jouent un rôle essentiel dans la production et la propagation de la connaissance. Dans le même temps, ils sont une importante présence économique et sociale dans les villes hôtes. »
(Gertler, 2012)
« In a healthy knowledge society, the university becomes the city and the city becomes the university »
(Hebbert, 2018)
Y a-t-il un lien entre le design urbain et la performance et l’expérience étudiante ?
La recherche de Amir Hajrasouliha, PH. D. assistant professeur au département de planification urbaine de l’université polytechnique de l’état de la Californie, porte sur la relation entre la réussite scolaire et le design urbain du campus qui permet de démontrer une relation spatiale du campus envers les étudiants. En effet, il démontre, selon 7 critères morphologiques, que le « bon » campus est conceptualisé comme un complexe compact, bien connecté, bien structuré, habité et vert dans un milieu urbain. Les dimensions morphologiques du campus ont des effets directs sur la satisfaction des étudiants avec leur expérience universitaire et leur performance.
Trois facteurs sont interreliés, dont la compacité, la connectivité et le contexte, et peuvent être rassemblés pour parler de degrés d’urbanité d’un campus. La compacité est définie par le rapport d’utilisation du sol en bâtit, la proximité des bâtiments, le rapport de surface de stationnements et le rapport d’espace ouvert. La connectivité est relative à la perméabilité du réseau viaire, cyclable et piéton à l’intérieur du campus et sa connexion au quartier qui l’entoure. Enfin, le contexte est le niveau d’urbanité de ce qui entoure le campus. Les campus qui sont plus compacts, bien connectés à l’intérieur du campus et à ses quartiers adjacents et localisés dans un environnement plus urbain ont un plus haut degré d’urbanité.
On note d’ailleurs que l’important est d’abord la proximité, l’université n’est pas nécessairement l’hôte de tout parc, espaces publics ou services, mais la proximité et l’accessibilité rendent possible l’aménagement urbain comme synonyme de bienfait.
© Hajrasouliha, A., & Ewing, R. (2016, Juin)
L’étude démontre que deux des dimensions les plus significatives sont l’environnement et l’urbanité. L’environnement crée une agréable expérience universitaire et encourage les étudiants à passer du temps et socialisés sur le campus. Le sentiment d’appartenance au campus se crée. De plus, un campus à caractère urbain est un environnement favorable à l’augmentation des perceptions chez les étudiants du pouvoir des relations sociales. Ce sont majoritairement par ces deux aspects du campus que les objectifs scolaires sont influencés positivement.
Qu’est-ce qu’un campus urbain ?
Finalement, ce qui définit un campus urbain est principalement sa densité, sa mixité, sa connectivité et son contexte. L’étude de Hajrasouliha révèle que le campus urbain comporte un tissu compact, des partenariats avec la communauté, des couloirs de rue active le long du campus, et l’encouragement du grand public à faire de l’université un lieu de destination.
*L’ensemble des images de cette section, excepté celles identifiées, ont été réalisées par les auteurs*